Françoise Grall. Lettre ouverte à Monsieur le Maire de Concarneau

Lettre ouverte à Monsieur le Maire de Concarneau
« J’arpente Concarneau de mon pas lent. J’ai marché sur d’autres quais de terre. J’ai vu d’autres pays se lever au grand jour de midi, dans la rumeur des métiers, les souffles des vents du sud, la vibration du soleil. Et c’est Concarneau que j’aime.
J’ai vu Alger, la magnifique, assise au fond de la baie comme une grosse panthère repus. J’ai vu Gabès, là-bas, humide et secrète, seule bouche fraîche du grand désert (…). J’ai vu Bilbao, jaune comme un pain d’épice (…).
Mais j’aime Concarneau. (…) »
Xavier GRALL
extrait de Célébration. Au nom du père. Août 1965
Concarneau, « une si jolie ville ». Qu’es-tu devenue ? Il ne faut pas être passéiste mais il faut aussi raison garder. On détruit les vieux quartiers, les espaces verts, pour satisfaire promoteurs, architectes et agents immobiliers. Les écoles ferment, les bistrots typiques sont détruits… Concarneau devient une ville de VIEUX entourée de béton !
Merci Monsieur le Maire !
Françoise GRALL
Epouse de Xavier GRALL, journaliste et poète (1930-1981)
Concarneau, le 27 janvier 2017
Voici le texte complet de Célébration, tiré du recueil Au nom du père de Xavier Grall. Editions AN HERE, pages 55-56:
Célébration
En vadrouille
J’arpente Concarneau de mon pas lent. J’ai marché sur d’autres quais de terre. J’ai vu d’autres pays se lever au grand jour de midi, dans la rumeur des métiers, les souffles des vents du sud, la vibration du soleil. Et c’est Concarneau que j’aime.
J’ai vu Alger, la magnifique, assise au fond de la baie comme une grosse panthère repus. J’ai vu Gabès, là-bas, humide et secrète, seule bouche fraîche du grand désert où les trafiquants et les mystiques guettent l’horizon qui tremble. J’ai vu Bilbao, jaune comme un pain d’épice, et conspirant dans ses tavernes fraternelles.
Mais j’aime Concarneau.
Les chalutiers s’en vont portant leur ombre sur les fortifications. D’autres jettent l’ancre, lourds de butin. Des camions viennent prendre livraison des cargaisons argentées. Entre les crocs de la rade surmontée de pins noirs, règne la mer. Quand j’étais enfant des voiliers tiraient des bords ici avant de prendre le large. C’est à Concarneau, en ce temps-là, que la beauté du monde éclatait en mon œil. J’ai vu depuis des terres plus somptueuses, des ports largués dans une splendeur plus intense encore.
Mais j’aime Concarneau, médiateur de mon amour du monde, initiateur de ma religion de l’univers. Ah ! c’est une joie amère que de vouloir étreindre dans ses bras la Beauté. Mais c’est une consolation que d’avoir le loisir de voir la mer, de s’offrir à son climat, de respirer sa liberté. Il eût fait bon vivre dans un Paris transporté au bord de l’océan.
Plus loin que Concarneau, vers Trégunc et Pont-Aven, s’étend l’agriculture du sarrasin et du froment. Les champs dorés descendent jusqu’aux grèves. J’aime cette alliance du travail et du rêve, ce compagnonnage de la gravure et du pastel : terres et mer unies dans la fraternité des vents.
Je reçois mon pays en moi comme un sacrement.
Août 1965