Le voyage d’un sac jaune

Pauvre sac jaune balancé sur un trottoir, aujourd’hui c’est moi la star.
Tout un car de Cornouaillais invités par le centre de tri m’accompagne le long de mon parcours.
Hélas! Dès mon arrivée sur le tapis roulant, un cylindre denté me lacère cruellement, expulsant ma cargaison:
7 journaux, 2 câbles électriques, 10 canettes de bière, 1 Barbie sans tête, 3 barquettes de charcuterie, 1 boîte de petits pois, 1 chaussette, 1 carton écrasé, 4 briques de lait, 2 bouchons, 7 bouteilles d’eau dont 1 écrasée et 1 avec bouchon, 14 pots de yaourts en plastique, quelques suremballages.
Le tapis se divise alors en bandes parallèles pour être scruté par une armée d’opérateurs.
Saisi par une main experte, je disparais dans un aspirateur, laissant mes protégés poursuivre leur chemin.
Terminus immédiat pour les câbles électriques, qui endommageraient les machines.
La Barbie décapitée et la chaussette aussi sont jetées dans des bacs, ils partiront vers l’incinérateur.
Dans un hall entièrement automatisé mes autres passagers sont alors identifiés par des trieuses optiques qui les répartissent sur une série de tapis semblables à des grands-huit enchevêtrés.
Papiers, cartons, plastiques creux, plastiques plats, métaux circulent sur leurs tapis respectifs… sauf les tout petits : malheur à eux, qui tombent entre les mailles des grilles pour finir leur vie à l’incinérateur, comme les bouchons orphelins.
Arrive alors la grande épreuve : la compression.
Du passage dans la grande ou la petite presse, chacun ressortira métamorphosé en une série de parallélépipèdes variés : grands blocs colorés ou non pour les plastiques, petits Césars pour les métaux,
Seuls y échappent cartons et papiers. Tombant sur des monticules de plusieurs mètres de haut, le papier sera saisi à la pelleteuse pour être versé dans un camion de 25 tonnes.
Chacun commence alors un autre voyage vers les entreprises de recyclage pour une ou plusieurs vies nouvelles.
Quant aux « refus », ils seront expédiés à l’usine d’incinération voisine pour y être brûlés.
Le cadre de cette aventure ?
C’est ECOTRI, le centre de tri des déchets recyclables de Kerambris à Fouesnant, que le Service de la CCA proposait de visiter le 30 mai dernier.
Ce centre de tri, activité principale des Ateliers Fouesnantais (350 salariés), est reconnu comme « entreprise adaptée » : il emploie 80% de travailleurs handicapés.
Il a commencé petit : c’est par terre que les pionniers de 1992 faisaient le tri.
Il est désormais l’un des 5 plus gros centres français, en concurrence avec les grands groupes du secteur pour décrocher les marchés. A la différence de ceux-ci, c’est une association qui fait partie de l’économie sociale et solidaire. Elle a obtenu de nombreux labels environnementaux et de démarche qualité.
Le rôle de ce centre est de trier à la qualité demandée les déchets recyclables, pour le compte des collectivités qui revendent ensuite leurs 10 produits d’une pureté de 96 % en bout de ligne.
Pour traiter les 100 tonnes annuelles d’emballages générés par les 350.000 habitants du bassin Crozon – Châteaulin – Concarneau – Cap Sizun, de gros investissements furent peu à peu réalisés (25 millions d’euros depuis 2008) depuis le 1er tapis de tri en 1995 jusqu’à la dernière modernisation et l’achat de machines de 2016 suite à « l’extension des consignes de tri ». En effet barquettes, pots de yaourts et suremballages viennent depuis cette date s’ajouter dans les sacs jaunes, puisque nous faisons partie des 15 millions de Français qui expérimentent le tri sur d’autres plastiques.
Bon à savoir

Le responsable d’exploitation
Le car de Cornouaillais reprend la route avec quelques recommandations.
Dans mon sac jaune :
- je ne mets que des emballages
- surtout pas de câbles
- j’écrase mes bouteilles plastique qui sinon roulent sur le tapis, empêchant la trieuse optique d’accomplir sa mission.
- je ne mets pas de trop petits morceaux, car si les capsules métalliques sont récupérées magnétiquement, les autres seront renvoyés au centre d’incinération, ce qui a un coût. Voilà pourquoi un bouchon plastique doit rester vissé à son contenant.
- dans le doute, je m’abstiens.
Le centre de tri étant mutualisé, des échantillons de 40kg sont prélevés sur les différentes tournées de ramassage, en amont du tri. Ceux-ci sont analysés et une collectivité à l’origine de trop de “refus” paiera ensuite plus cher la prestation.
Pour aller plus loin
Pour les précisions techniques et d’autres photos du “flux unique”
Pour en savoir plus sur l’identité et l’historique de l’entreprise
Pour aborder les limites du recyclage des plastiques et se convaincre que
le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas