Dans la vie faut pas s’en faire…

Dans la vie faut pas s’en faire…

Dans l’article consacré, le mois dernier, à  l’enquête publique concernant le secteur Foch, nous avions publié une fiction intitulée Discours de Madame la Maire de CONCARNEAU, Mardi 26 avril 2036. A la suite de cet écrit, son auteure, Nicole SAVIN, a été invitée à un entretien par M. le Maire de Concarneau. Nous publions ici sa réaction après cette rencontre:

 

Dans la vie faut pas s’en faire (…)

Croyez-moi sur terre

Faut jamais s’en faire

Moi je ne m’en fais pas

               Je suis contente, j’ai appris plein de choses en rencontrant le Maire de ma ville jeudi dernier 23 mai.

Gentiment il m’avait invitée à le rencontrer à la suite de ma contribution écrite pour le projet Foch, le « Futur Concarneau de 2036 » une petite fiction utopiste que j’avais rédigée.

Il faut dire que je la lui avais envoyée personnellement, parce je me doutais bien qu’il ne devait pas avoir beaucoup de temps libre, et lire les contributions à l’enquête publique Foch, c’est long.

               Le Maire, il a dû bien aimer l’école, parce qu’il m’a fait une leçon de rattrapage sur mes lacunes dans son bilan et il en a fait des choses en 11 ans! Pour ne rien oublier il avait fait des fiches, et en plus surligné au feutre fluo des passages de ma contribution.

J’étais contente quand il m’a dit qu’il l’avait lue deux fois.

C’était à l’envers, mais j’avais ma feuille à moi, et pendant qu’il parlait j’ai regardé ce qui était surligné. J’ai bien vu que le terme de bétonneur ça ne lui avait pas plu, mais alors pas du tout, il a prononcé le mot 6 fois, et puis aussi qu’il gagnerait plus d’argent à administrer une cité plus peuplée, ça non plus il n’a pas aimé, c’était surligné.

Ah oui, il a parlé longtemps et je l’ai laissé parler comme à l’école, puisque je sentais bien qu’il avait envie de me faire la leçon.

« Je finis -qu’il m’a dit- vous parlerez après ».

               Je ne suis pas contrariante mais moi j’étais venue lui faire part de l’absurdité qu’il y a de saccager une zone naturelle pour y construire des immeubles dont personne n’est demandeur.

« Mais si -qu’il m’a dit- c’est écrit sur mes fiches de 2007, je dois construire!

C’est bizarre je me suis dit, en 2007 il y avait 20 280 habitant à Concarneau, au 1er janvier de cette année, je l’ai lu sur Le Télégramme, on était 19 046, pourquoi il me montre des chiffres de 2007? Et des logements on n’en a pas construit depuis 12 ans?

               Quand il a arrêté de me parler de lui, je me suis dit que ça devait être à moi de parler, vu que j’étais venue pour ça, que je me devais de lui transmettre les inquiétudes de beaucoup de ses concitoyens, et de gens du quartier jeunes ou âgés qui redoutent comme beaucoup d’autres dans le Monde les conséquences du bouleversement climatique à venir pour leurs enfants, leurs petits-enfants.

Je me devais de lui dire que la sauvegarde de la biodiversité était une priorité dans le contexte de crise climatique qui approche, qu’on avait la chance à Concarneau de disposer tout près du centre d’un vaste espace naturel, qu’il suffirait de le mettre en valeur en l’aménageant, qu’il y avait pleins d’autres futurs possibles, qu’on ne retrouverait jamais une telle opportunité si on le détruisait pour construire des appartements de prestige dont la ville n’avait pas besoin au vu sa population actuelle et du nombre de constructions en cours.

Et puis aussi j’ai dit que Concarneau dans 30, dans 50 ans, personne ne pouvait savoir à quoi ça ressemblerait, vu qu’on nous parlait de montée des eaux, et qu’il n’y avait qu’à regarder les cartes topographiques pour comprendre que ça mettrait des zones entières de Concarneau sous l’eau.

Et c’est là que le Maire m’a dit, « Madame, vous avez voyagé ? Vous êtes allée en Afrique, vous connaissez Bangkok? Vous ne croyez pas que c’est mieux chez nous?»

Là j’étais contente, parce que justement en Afrique j’y ai vécu 12 ans, et Bangkok j’y ai habité un mois, j’ai vu, et j’ai bien compris en arpentant les rues de Bangkok que les gens qui y vivent vont avoir d’énormes soucis à se faire si les eaux des mers montent, surtout ceux qui vient dans les Khlongs.

Mais au fait, quel rapport avec Concarneau, on parlait bien du projet Foch, là…

Et…ce n’est pas un peu facile de prendre les pires exemples urbains pour se conforter?

Du coup j’ai dit au Maire, « Vous croyez sincèrement que la crise climatique, elle va s’arrêter à la France, qu’elle n’affectera pas Concarneau? Comme Tchernobyl peut-être? »

Alors le Maire m’a répondu que j’étais très anxiogène, que si on m’écoutait tout allait mal, qu’on n’aurait plus de retraites, plus de futur, qu’on n’avait plus qu’à tout arrêter.

Les retraites c’est bizarre je n’en avais absolument pas parlé, mais peut-être qu’il avait des infos?

               Et c’est à ça qu’on voit bien qu’il est le Maire de 19046 habitants au 1er janvier 2019 et que ses administrés il s’en soucie, parce M le Maire il m’a bien rassurée sur l’avenir!

La preuve que je me faisais du souci pour rien il me l’a donnée: il a 3 enfants, qui habitent Nantes, Rennes et Le Havre, (c’est lui qui me l’a dit) ils ont une bonne situation ils sont bien insérés et ils sont confiants, ils ne voient pas du tout l’avenir comme moi.

Comme quoi, il m’a dit, « Vous êtes vraiment trop anxiogène » et sa cheffe de cabinet opinait d’un air navré.

               Et là j’ai compris que je vivais dans l’erreur, que je n’avais vraiment pas besoin de m’en faire, que tout allait très bien pour la Nature et la Biodiversité, puisqu’à Bangkok et en Afrique c’était largement pire qu’à Concarneau et que les trois enfants du Maire étaient heureux et confiants.

 

Merci de m’avoir aussi bien rassurée, Monsieur le Maire, vous pouvez continuer à bétonner en paix, jusqu’ici tout va bien.

C’est vrai, quoi ! Pourquoi devrais-je m’en faire pour le futur de ma Ville et la survie des générations à venir?

asso cornouaille

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